Le jeu de la séduction et de la mort – 13

Chapitre 10

Afin de se rafraîchir et de se détendre, Juliette avait quitté son petit appartement et s’était rendue dans un jardin situé à quelques pas de chez elle, où elle s’était aspergée de la tête aux pieds à une fontaine. Peut-être le ciel viendrait-il à sa rescousse, mais il faudrait attendre la fin de l’après-midi. Quand les pluies d’orage tombaient, elle n’hésitait pas à courir dehors toute nue pour jouir de ce don. Tout le monde, dans son quartier, l’avait déjà vue en tenue d’Eve à cause de son activité de prostituée, y compris et surtout son père. Elle faisait venir un ou deux hommes à la maison chaque jour.

Les individus qui l’entouraient étaient assez âgés. Dans un pays où la population avait tendance à décroître, l’âge moyen était forcément élevé, mais la France avait tout de même plus de trente-neuf millions de jeunes de moins de vingt ans, la grande majorité sans avenir et auxquels on faisait comprendre qu’ils étaient de trop.

Tout allait changer pour Juliette, mais la confirmation que Léo l’avait prise comme bénéficiaire n’était toujours pas arrivée. La jeune fille patientait assise sur un carré de gazon, le menton sur les genoux, en surveillant sa montre.

Un jeune homme en short et tee-shirt s’arrêta devant elle.

« Salut Juliette ! dit-il.

— Salut Mickaël, répondit-elle en levant la tête.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— Rien de particulier.

— Tu n’as pas de client ? Tu ne veux pas passer une demi-heure avec moi ? Aujourd’hui, j’ai de quoi payer.

— Non, je ne travaille pas.

— Pourquoi ?

— Parce que je n’en ai pas envie.

— Et si je te le propose gentiment ? Douze euros, ça ne te dit rien ?

— Non, ça ne me dit rien.

— Oh, allez ! Tu ne vas quand même pas me repousser ! Je te donne quatorze euros. »

Il avança une main pour caresser Juliette, mais elle s’inclina pour l’éviter.

« Trouve une autre fille, grinça-t-elle. Aujourd’hui, je ne suis pas disponible. »

Elle se leva pour commencer à s’éloigner de Mickaël. Il n’était pas possible de lui expliquer qu’elle attendait un message d’Eumédia. La veille, elle avait lourdement insisté pour passer la nuit avec Léo, puis il était parti au point du jour et ne lui avait plus donné de nouvelles.

« Où est-ce que tu vas ? fit-il.

— Je te l’ai dit, la boutique est fermée aujourd’hui, répéta Juliette. Va t’adresser ailleurs. »

Mickaël tenta de l’agripper par un bras tandis qu’elle se dirigeait vers une petite rue, mais elle se dégagea et sentit qu’il l’avait attrapée par sa culotte. Sa tentative de fuite entraîna la rupture de son unique vêtement, qui resta dans la main du jeune homme. Elle se tourna vers lui, rouge de colère.

« Va te faire voir ! » hurla-t-elle.

Nullement impressionné, Mickaël fut plutôt heureux d’avoir décroché un trophée et de pouvoir regarder Juliette dans son plus simple appareil.

Cette confrontation dura quelques secondes, le temps qu’un drone venu d’on ne sait où vienne s’interposer entre eux. Il n’était pas plus grand que la paume de la main et volait en émettant un bourdonnement d’insecte. De minuscules caméras fixées sur ses côtés scrutèrent les deux jeunes gens, puis une voix métallique résonna :

« Mademoiselle Gret, désirez-vous porter plainte contre monsieur Soudrille pour l’agression que vous avez subie ? »

Le visage de Mickaël changea à son tour de couleur avant de se décomposer complètement. Juliette se calma en songeant à ce que l’importun risquait si elle répondait par l’affirmative : une séance de « rééducation » qui pouvait être longue et extrêmement pénible. Elle opta pour la mansuétude.

« Non, répondit-elle. Il ne m’a pas fait de mal.

— Je prends note de votre décision. Monsieur Soudrille, veuillez quitter les lieux. »

Mickaël prit la poudre d’escampette en gardant la culotte déchirée. Il serait de toute façon exposé à une surveillance renforcée.

Même Juliette ressentit un soulagement quand le drone s’en alla. Les personnes qui avaient assisté à la scène se remirent en marche en s’efforçant de regarder ailleurs. Cette rue était de largeur moyenne et réservée aux piétons et aux cyclistes. Des magasins la bordaient, assez bien fréquentés car les habitants du quartier travaillaient. On y trouvait de la bonne nourriture et quelques alcools. La rue était dépourvue d’arbres mais les grandes façades des immeubles apportaient des ombres bienfaisantes.

La crainte d’être de nouveau importunée poussa Juliette à reprendre sa route. La plupart des hommes qu’elle croisa l’enveloppèrent de leur regard mais n’essayèrent pas de l’aborder, sans doute parce qu’ils la sentaient pressée d’atteindre sa destination. Ses pieds nus la conduisirent sur des dalles de calcaire blanc jusqu’au pied d’un immeuble dont la porte restait ouverte même la nuit. Elle s’élança dans l’escalier, rencontra un locataire et dut éviter un couple d’adolescents qui s’embrassaient assis sur une marche, la main de la fille ostensiblement posée sur le caleçon du garçon.

Elle prit soin de refermer la porte de son appartement derrière elle. Son relatif confort donnait la mesure des efforts qu’elle avait dû fournir pour sa famille. Les meubles étaient en bon état, même s’ils avaient tous été achetés d’occasion. Le ventilateur qui tournait au plafond avait récemment été changé. Quelques bibelots étaient exposés sur le buffet. La salle de séjour était cependant trop petite pour permettre l’installation d’une grande table et l’on mangeait soit dans la cuisine, soit sur la table basse où sa sœur Lydie, assise sur le canapé, avait posé les pieds. Elle regardait un film en compagnie de ses parents.

L’appartement avait le gros désavantage de n’avoir qu’une seule chambre, que Nathan et Cécile occupaient durant la nuit et où Juliette recevait ses clients. Elle dormait le plus souvent dans la salle de séjour, parfois chez des hommes qui l’avaient payée pour ça. Il n’était pas possible d’avoir un logement plus grand, car en plus de régler les loyers, Juliette devait mettre de l’argent de côté pour ses études, si jamais il était possible de trouver une place dans une université.

Nathan était un brave homme, mais il n’avait pas ramené d’argent depuis des années et, de fait, il habitait dans un lupanar où officiaient ses propres filles. Lydie était en train de s’y mettre, puisqu’il le fallait. Sa grande sœur restreignait le nombre de passes à une par jour, tout en veillant à ce qu’elle satisfasse pleinement leurs désirs. Elle était parfois présente quand Lydie se faisait chevaucher et participait même aux ébats si le client demandait à disposer des deux filles.

« Tu as des nouvelles ? demanda Nathan.

— Pas encore », répondit Juliette d’une voix sombre.

Elle s’assit à côté de sa sœur, comme pour échapper au regard de ses parents.

Des formes bougeaient sur l’écran mural, mais Juliette ne voyait rien. Tout l’avenir de sa famille était suspendu à un appel et la seule chose qu’elle pouvait faire, c’était passer en revue ce qu’elle avait appris sur Léo, c’est-à-dire pas grand-chose. Elle en arrivait à maudire les dieux pour n’avoir pas organisé plus tôt leur rencontre.

Elle se doutait que le jeune homme avait changé de montre car toutes les tentatives de connexion échouaient. Ce qui se passait entre l’arrivée des participants au bâtiment Eumédia et leur apparition à l’écran lui était inconnu.

Pas grave si je ne reçois pas de nouvelles, se dit-elle. On continuera comme ça.

Plus personne ne parla jusqu’au moment où l’on entendit un signal sonore. Juliette tressaillit violemment, consulta sa montre et entendit ceci :

« Bonjour. Monsieur Léo Caron vous a choisie comme bénéficiaire pour la nouvelle édition du Jeu du sexe et de la mort. Nous vous communiquerons la somme qui vous sera versée quand elle sera connue. Dans quelques instants, en vous connectant au site d’Eumédia, pour pourrez voir en avant-première des images de Léo Caron. Un entretien avec lui vous sera ensuite proposé. Bien entendu, nous vous invitons à suivre la diffusion du jeu à partir de vingt heures. »

Juliette bondit jusqu’au plafond puis la salle de séjour retentit d’une explosion de joie. Elle serra contre elle sa sœur et sa mère avant de se retrouver dans les bras de son père.

Ils restèrent longuement enlacés. Nathan se rendit alors compte qu’il écrasait contre sa poitrine une femme entièrement nue, car Juliette avait oublié de remettre une culotte, tandis que lui-même ne portait qu’un caleçon. Jamais il ne lui avait donné une étreinte aussi chaude.

« Euh… Je ne sais pas comment dire… bafouilla-t-il.

— Il n’y a rien à dire, papa. On va juste profiter de notre nouvelle vie.

— Tout ça, c’est grâce à toi… Je ne sais pas où nous serions sans toi. »

Tout en caressant le dos de sa fille, il sentit ses yeux s’humidifier et renifla.

Juliette mit fin à cette étreinte afin de le regarder dans les yeux.

« J’ai juste fait mon devoir, dit-elle. Et il faudra penser à remercier Léo. Il a dit qu’il est un mauvais garçon mais je ne le crois pas. Je suis sûre que c’est quelqu’un de bien. »

Elle éleva ensuite la voix :

« On va fêter ça ! Lydie, achète à boire et à manger, tout ce que tu trouveras. On va casser la tirelire. »

Cette expression était à la mode, bien qu’il n’existât plus de tirelire ni même de pièce de monnaie. Tous les paiements étaient électroniques.

Lydie partit dans la chambre pour enfiler une robe puis elle quitta l’appartement en coup de vent, suivie par sa mère. Nathan et Juliette se regardèrent un moment, debout à côté du canapé, puis la jeune fille alla chercher une culotte et se rassit.

« Attendons de voir les premières images de notre héros », dit-elle.

Elle était toujours en train de regarder le film avec son père quand Céline et Lydie revinrent avec un sac de pâtisseries et de petites bouteilles de soda et de bière. Ce fut un véritable festin qui s’étala sur la table basse. Elle parut être celle d’un roi. Pendant que Juliette le dégustait, elle n’oublia pas de vérifier si les images de Léo étaient disponibles.

Elles le furent au bout de vingt minutes. Juliette lécha ses doigts enduits de sucre avant de les faire courir sur une tablette. L’écran mural montra alors l’arrivée de Léo et son accueil par Loubna. Elle en sourit malgré un soupçon d’inquiétude au fond du cœur. Elle préférait que Léo reste en vie, même si sa mort augmenterait les gains qu’elle recevrait. Son sourire s’effaça quand elle écouta la longue conversation du jeune homme avec Rachel et comprit que les deux participants s’entendaient très bien.

Vint ensuite la scène de la double fellation. Agenouillée devant Léo et Erwan, Rachel suça leurs longues queues. La pornographie était rarement regardée en famille parce qu’il y avait suffisamment de sexe à la maison. Nathan et Cécile n’assistaient pas aux cabrioles de leurs filles, mais il leur arrivait de voir l’une d’elles quitter la chambre avec des secrétions biologiques sur l’entrecuisse, les seins ou le visage. Le premier ne put cacher son érection et eut un regard furtif sur ses deux filles. La plus jeune, dont sa poitrine était encore plus belle que celle de Juliette, avait retiré sa robe à son retour.

Puis vint le moment où Léo déclara qu’il protégerait Rachel. Juliette sursauta en l’entendant puis elle ressembla à une marmite en train de brûler sur le feu.

« C’est quoi, ce bordel ? » fulmina-t-elle.

Ses parents et sa sœur étaient atterrés. Aucun d’eux n’avait encore envisagé la possibilité que Léo quitte le jeu sans avoir gagné un sou.

Juliette devint tellement nerveuse qu’elle fut incapable de rester sur le canapé. Elle se leva pour tourner dans la pièce à la manière d’une lionne en cage, sa tablette à la main, mais elle ne trouva aucun moyen de joindre Léo. Sa mère dut venir à son secours :

« Ils ont dit qu’un entretien te sera proposé. Ça veut dire que tu dois attendre qu’ils te contactent.

— Oui, peut-être. »

Il lui ne restait plus qu’à prendre son mal en patience, en regardant les belles images qu’Eumédia envoyait. Elles montraient les corps de Léo et de Coralie en plein affrontement. Un instant plus tard, le premier retira son phallus du bas-ventre de la seconde afin de souffler un peu et de changer de position. Un gros plan fut effectué sur le membre palpitant à la peau humide. Sur l’écran mural, il devait presque avoir un mètre de long. La scène était tellement excitante que Lydie avait mis une main dans sa culotte.

Quand Léo eut aspergé sa partenaire de sperme, la diffusion s’arrêta et les spectateurs discutèrent de ce qu’ils avaient vu, tout en terminant leur festin malgré leur manque d’appétit. La société Eumédia fut critiquée pour le manque d’informations qu’elle délivrait. Cependant, Juliette devait reconnaître que les bénéficiaires n’étaient que des personnes qui recevaient de l’argent par « générosité » et qu’ils n’avaient donc pas de droit particulier. Ce n’était en tout cas pas eux qui risquaient leurs vies.

La sonnerie de la montre de Juliette fut accueillie avec un immense soulagement. On ne savait pourtant pas encore ce que Léo allait dire. La jeune fille effectua la connexion sur sa tablette et vit apparaître le visage de son nouveau copain.

« Salut Léo ! dit-elle. Je suis contente de te revoir.

— Et moi de même.

— Comment ça va ?

— Eh bien… Tu n’as pas vu les images ?

— Si. Je trouve que tu as été excellent avec Coralie. Je pense que les dons vont affluer et je te souhaite de les conserver.

— Ah oui… Bon alors… Euh … »

Léo n’avait manifestement pas l’esprit tranquille. C’était la première fois que Juliette le voyait aussi peu sûr de lui.

« Mais qu’est-ce qui t’a pris ? explosa-t-elle. Tu veux enfreindre les règles et perdre tes gains ?

— O.K., tu n’es que la quatrième personne qui me fait la remarque et je sais que tu vas me couper les roubignoles si je reviens chez toi sans te rapporter d’argent.

— Tu l’as deviné !

— Alors écoute… Toi et moi, on se connaît depuis pas très longtemps mais j’ai été gentil avec toi. D’accord ?

— On a quand même couché ensemble…

— Oui oui ! On a passé de bons moments ensemble, c’est pourquoi j’ai tenu à t’appeler. J’aurais pu très bien ne pas le faire. »

Juliette donna raison à Léo.

« Alors il ne faut pas dire que je ne suis pas sympa avec toi, insista-t-il.

— Non, je ne le dis pas. Mais qu’est-ce tu feras de Rachel, après ?

— J’ai juste dit que je la protégerais. Je ne sais pas ce que je ferai après. Il faut déjà que je ressorte vivant de ce jeu. Tu as dû le voir, il y a une autre fille qui projette de me couper les roubignoles.

— Oui, je l’ai vue.

— Et si jamais elle y arrive, il n’y aura plus personne pour protéger Rachel. Comme ça, le problème sera réglé. Attends donc pour voir ce qui va se passer.

— J’attendrai, mais il faut que tu respectes les règles du jeu.

— Je le ferai. C’est promis… Tu sais que je tiens mes promesses ?

— Oui. »

Juliette sentait toutefois que Léo avait effectué une reculade sous la pression des autres bénéficiaires.

« Qu’est-ce que tu fais maintenant ? s’enquit-elle.

— Je suis dans ma chambre. En ce moment, on est libre de faire ce qu’on veut.

— Je peux la voir ?

— Oui. »

La tête de Léo quitta l’écran et fut remplacée par un mur puis une baie vitrée. La caméra poursuivit son mouvement de rotation. Quand elle filma le lit, Juliette vit un corps de femme allongé dessus.

« C’est qui ? fit-elle aussitôt.

— C’est Rachel.

— Ah, parce que vous êtes ensemble ?

— Oui, on est ensemble. Tu connais le principe de l’émission ? Je dois coucher avec plusieurs filles, ainsi que des hôtesses, et nos relations sexuelles sont filmées. Tu les verras cette nuit en direct.

— Je connais.

— Avant, j’étais avec Coralie et Erwan était avec Rachel. Il a voulu que nous échangions nos copines.

— C’est qui, Erwan ?

— L’un des premiers garçons que j’ai rencontrés. »

Pendant que Léo parlait, la caméra restait fixée sur Rachel. Celle-ci se redressa, une jambe repliée sur le lit et une autre tombant vers le sol.

« Rachel, fais un coucou à Juliette, dit la voix de Léo. C’est ma copine.

— Salut ! » fit Rachel avec un grand signe de la main.

Juliette lui répondit, mais seul son visage était visible.

« De même que toi, elle a fait plusieurs années de prostitution, poursuivit Léo. C’est comme ça qu’elle fait vivre sa famille et elle compte même se payer des études. »

À part cela, les deux filles étaient très différentes. Juliette envia la beauté juvénile de Rachel et son air de fausse innocence qui avaient conquis Léo. Elle paraissait beaucoup plus mûre alors qu’elle n’avait que trois ans de plus qu’elle, avec ses vingt-quatre ans.

La tête de celui-ci revint à l’écran.

« Il y aura la présentation à vingt heures, puis le dîner, déclara-t-il. On va se retirer dans nos chambres assez tard, mais tu seras là pour nous regarder, hein ?

— Oui, je serai là.

— La nuit suivante, je serai avec une autre fille. Je ne sais pas laquelle. Il y en a une qui me fait assez bien fantasmer mais je crois qu’elle se méfie de moi.

— C’est qui ?

— Maylis. Tu la découvriras tout à l’heure. Tu verras qu’elle est très très bien roulée. Mon petit doigt me dit que plusieurs mecs essaieront de la trucider et que ce sera le clou du spectacle, si cela se produit. »

Juliette resta silencieuse.

« Alors voilà, conclut Léo. Les choses se mettent en place. Sois au rendez-vous ce soir.

— Je pourrai te rappeler ?

— Oui, bien sûr. Fais-le quand tu le veux. Je te répondrai si je suis disponible.

— Tu es nu, en ce moment ?

— Oui. Tu veux me voir ? »

La tête de Léo fut remplacée par sa poitrine, son ventre puis ses organes génitaux émergeant de leur buisson de poils. Juliette fut ravie de revoir son imposant pénis, même s’il était à présent aussi mou qu’une éponge imbibée d’eau.

« À la prochaine, ma poule, dit Léo.

— À bientôt. Fais attention à toi. »

La connexion fut coupée et Juliette se tourna vers ses parents.

« Vous êtes rassurés ? » demanda-t-elle.

Ils répondirent par l’affirmative sans vraiment paraître convaincus.

« Léo fera ce qu’on attend de lui, continua Juliette. Il n’a pas le choix. Lydie, ça te dit d’aller au Kinographe ce soir ? J’ai envie de passer une soirée mémorable. »

Sa petite sœur accepta cette proposition avec enthousiasme. Il s’agissait d’un cinéma spécialisé dans la pornographie où les acteurs apparaissaient en hologrammes géants. Il n’y avait pas de siège, mais des banquettes et des matelas où les spectateurs pouvaient s’ébattre à volonté. L’accès à ce lieu, l’un des plus chauds de la ville, n’était pas gratuit, mais Juliette avait maintenant la possibilité de s’offrir quelques plaisirs. Il était surtout fréquenté par la jeunesse dorée, parmi laquelle figuraient certains de ses clients, des garçons qui avaient la possibilité de dépenser l’argent de leurs parents entre les jambes d’une catin.

Dehors, le soleil n’était plus visible mais l’atmosphère conservait sa lourdeur étouffante. L’accumulation des nuages annonçait de violents orages et Juliette s’imagina courir sous leurs trombes d’eau, le cœur léger.

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