Désirs de nymphes – 8

Nous arrêtâmes de parler pour reprendre notre contemplation du paysage. Et tout à coup, je me rendis compte que la scène que j’avais crue impossible était en train de se produire : une promenade romantique au bord de la mer. Nous n’étions pas en train de marcher et c’était un lac, mais la situation était à peu près la même. Le soleil, si affaibli que nous pouvions le regarder comme s’il avait été la lune, s’abaissait vers la surface des eaux et ses reflets pourpres couraient jusqu’à nous. Je distinguais les silhouettes de quelques libellules qui dansaient dans cette lumière, apparemment très grandes, comme celles que je m’étais attendue à trouver. J’appris que si aucun insecte ne venait nous taquiner, c’était grâce à la magie de Bernard.

Ce satyre n’avait pas le même tempérament que Didier : il semblait être capable de tendresse. Était-ce parce qu’il avait vécu plus longtemps en France ?

« Je suis capable d’être également brutal, répondit-il.

— Alors qu’est-ce qui te retient ?

— Comme toi, je suis sensible à la beauté de la nature. Didier se comporterait comme moi s’il était ici, avec toi.

— Tu étais malheureux quand tu vivais dans mon pays ?

— Mon monde m’a manqué… Mais il y a aussi de belles choses à voir dans le tien.

— À l’origine, ce n’était pas ton monde, remarquai-je. Comme moi, tu viens de la Terre.

— Oui, mais les hommes, bien qu’étant nos descendants, l’ont beaucoup trop transformé. C’était pourquoi nous nous sommes installés ici. Nous aimons la nature sauvage.

— Et aussi parce que des immortels ne peuvent pas vivre parmi les mortels ?

— Oui, aussi. »

Un instant après, mon estomac me rappela que je n’étais pas adaptée à cette forêt :

« J’ai faim, déclarai-je. Je n’ai eu que des algues sous la dent depuis ce matin.

— Tu veux boire mon sperme ? »

J’eus un rougissement tout à fait involontaire.

« Il n’y aurait pas quelque chose de plus… consistant ? demandai-je.

— C’est nourrissant, je t’assure.

— Des racines, par exemple ?

— Je peux t’en trouver. »

Bernard se leva et s’éloigna du lac, les yeux scrutant le sol. À proximité d’un arbre, il plongea les doigts dans la terre pour en tirer un tubercule allongé, qui m’évoqua une pomme de terre. Manger cela cru, d’autant plus que c’était plein de terre, cela ne me fit pas saliver, malgré les grondements de mon estomac vide. Bernard le cassa et me montra une surface jaunâtre.

« Tu n’aurais pas un éplucheur ? demandai-je.

— C’est mou et juteux. Tu peux éplucher cela avec tes doigts. »

Je pris l’objet incriminé en m’efforçant d’étouffer une grimace de dégoût, mais je me souvins d’un tubercule que l’on pouvait manger cru : les carottes. De plus, Bernard avait raison. Il s’avéra facile d’enlever la « peau » de cette racine. Je la portai à ma bouche et la trouvai bonne, bien que pas du tout sucrée. C’était effectivement juteux, mais pas si mou que cela.

Tandis que Bernard cherchait d’autres tubercules, je m’assis pour prendre mon dîner. Il n’était pas très hygiénique, avec toute la terre que j’avais sous les ongles. J’apprenais à vivre comme un animal.

« Il faut boire le sperme des satyres, me rappela Bernard. Cela t’aidera à vivre comme une nymphe.

— Mmmm, répondis-je la bouche pleine. Mais comment se fait-il que les nymphes soient sous la dépendance des satyres et pas l’inverse ? Je trouve que ce n’est pas juste.

— Nous ne pouvons pas vivre sans nymphes », répondit Bernard.

Parce qu’ils ont besoin d’éjaculer ?

Je regardai son pénis, qui était resté dressé depuis notre rencontre. D’après les propos de mes compagnes, c’était leur raison d’être. J’en avais l’illustration devant moi.

« Qu’est-ce qui se passerait s’il n’y avait plus de nymphes ? questionnai-je.

— Nous perdrions nos pouvoirs.

— Et ?

— La suite n’est pas difficile à imaginer. Nous sommes deux moitiés d’une même chose. Elles ne peuvent pas exister l’une sans l’autre.

— Alors en réalité, les satyres ne sont pas immortels ?

— Dans les faits, si, parce qu’il y aura toujours des nymphes.

— Et des femmes ordinaires ?

— Elles comptent aussi, mais nous les transformons en des nymphes quand nous faisons l’amour avec elles. C’est automatique.

— Du moins, quand ce sont des jeunes filles.

Oui. »

Je ne voyais plus mes compagnes mais j’entendais leurs cris, et ce n’était pas des cris de joie : elles étaient en pleine copulation.

À cause de cela, je me sentais prête à faire l’amour, mais il y avait d’autres raisons. Mon estomac ne protestait plus et des calories commençaient à se répandre dans mon corps. La vision de cet homme ithyphallique y était aussi pour quelque chose. Certains disent que les vêtements sont des éléments de l’érotisme, qu’ils participent à la montée du désir en voilant les corps, et que le déshabillage est le premier des préliminaires. J’avais en ce moment la preuve du contraire. Avoir devant soi un corps d’homme parfaitement sculpté, muni d’un pénis tout raide que je ne me lassais pas de contempler, c’était un appel irrésistible.

J’avalai mon dernier morceau de tubercule et je regardai mes mains sales, en me demandant comment je pouvais les nettoyer avant de les poser sur Bernard.

« Essuie-les sur toi, proposa le satyre. Sur tes seins. »

Ceux-ci étaient à présent gonflés par le désir et ses pointes s’étaient érigées. J’obéis à mon satyre en m’essuyant les mains sur ma poitrine, et je crus comprendre où il voulait en venir : se salir offrait un plaisir érotique intense. Je voyais déjà nos deux corps enlacés rouler par terre, peut-être même dans la vase au bord du lac. Je me caressai donc les seins avec un regard très coquin, exprimant l’envie de réaliser ce fantasme. Mais Bernard se pencha sur moi pour prendre mon mamelon gauche entre ses lèvres. Il les suça pour goûter à la substance que j’y avais répandue. Sa langue passa sur toute ma poitrine, puis il me demanda de m’allonger et mordit brusquement l’un de mes seins.

Je poussai un cri à la fois de douleur, de surprise et de plaisir. Il n’avait toutefois pas été très brutal, ayant bien calculé la force de sa morsure. Je n’en conserverais pas de trace. Il passa à l’autre sein, seulement pour le palper, le malaxer, en pétrir la chair souple entre ses doigts et sucer son extrémité. Par moments, il l’aspirait assez profondément. Les sensations qu’il m’offrait étaient délicieuses, mais j’en voulais plus, jusqu’à me faire dévorer toute crue par lui. Non, pas jusque-là, en réalité, mais ma peau avide de caresses aurait volontiers reçu des coups de dents ou d’ongles, un peu partout.

Mon sexe, qui béait entre mes cuisses largement ouvertes, réclamait également l’attention de Bernard. Les secrétions qu’il émettait étaient des appels silencieux. Je profitai de la première occasion pour prendre à pleine main le pénis du satyre, tendu au-dessus de mon ventre et dur comme de la brique. Je le caressai en le tirant vers moi. Je soupesai également ses lourds testicules. Comme il apprécia mon intérêt pour ses organes sexuels, nous changeâmes de position et je me retrouvai derrière lui, sa paire de fesses emplissant mes yeux ravis. Je passai les mains entre ses cuisses pour continuer à le masturber, puis une envie me vint : lui lécher l’anus. C’était la curiosité autant que le désir qui m’y poussait. Un cul de satyre avait peut-être une odeur de jacinthe plutôt que d’autre chose.

Je me penchai donc pour approcher ma bouche de cette ouverture discrète, cachée par quelques poils, et j’y déposai la pointe de ma langue. Bernard était alors à quatre pattes et se laissa faire. Je ne m’étais pas trompée : j’y trouvai un goût accompagné d’une odeur qui m’évoquèrent la végétation fraîche. Je poussai un peu plus ma langue, tout en continuant à serrer le phallus au gland humide. Cette double stimulation plaisait beaucoup à Bernard, comme en témoignaient ses halètements rauques.

Tout à coup, je sentis deux mains me prendre par les hanches et un objet long et rigide s’enfoncer dans mon vagin, sans aucune autorisation de ma part. Mais je ne protestai pas et les seuls cris qui jaillirent de ma bouche furent de jouissance, car le pilonnage intense dont je fus l’objet me mit immédiatement dans un état second. Je lâchai le pénis de Bernard pour poser les mains par terre. Il en profita pour se retourner et tenter d’insérer son gland dans ma bouche. Je m’efforçai d’avaler son membre, lequel étouffa dès lors mes gémissements. La longue queue qui s’était introduite en profondeur dans mon bas-ventre continuait à le fourrager. Incapable d’une quelconque réaction, j’attendis un orgasme qui ne tarda guère à venir. Mon corps fut secoué comme un volcan en explosion, alors que ma bouche restait pleine de la volumineuse pine de Bernard. Mais cette situation ne dura qu’une seconde. Il retira son sexe pour se branler et projeter sur mon visage l’équivalent d’un petit verre de sperme. Peu après, pendant que mon orgasme s’apaisait, j’entendis un rugissement léonin et le fond de mon vagin fut rempli de cette même substance chaude et épaisse. Le satyre, que je n’avais pas pu voir une seule fois, se retira ensuite et s’éloigna de moi.

Avant cette journée, je n’aurais jamais imaginé être pénétrée par un inconnu, capable en plus de me faire jouir. Voilà qui était fait.

Je me laissai tomber sur le dos, remplie de sperme mais vidée de mes forces, et je répartis sur mon corps tout ce qui avait giclé sur mon visage. Je crus que c’était fini, mais j’avais oublié que mes compagnons étaient capables d’être en érection permanente et d’enfiler plusieurs femmes de suite. Resté debout à côté de moi, Bernard vint se placer entre mes genoux, flatta un peu mes lèvres vaginales avec son gland, puis enfonça son sexe sans se soucier de la semence que son prédécesseur avait injectée, et qui ressortait en un petit filet. Aussitôt, les braises qui couvaient sous la cendre se rallumèrent et je me remis à onduler de plaisir. C’est ainsi que je connus ma deuxième jouissance en quelques minutes et que j’en fus presque anéantie.

Bernard éjacula dans mon ventre et s’employa à étaler l’excès de sperme sur mes jambes, tandis mon esprit voguait dans un lointain monde de volupté.

Quand je me relevai, j’étais toujours fatiguée mais heureuse d’avoir repoussé les limites du possible. Je devais être comme une alpiniste ayant atteint le sommet convoité. Il est vrai qu’il m’avait fallu faire des efforts physiques pour arriver au bord de ce lac et connaître l’apogée du plaisir sexuel. À présent, la journée était terminée. Le soleil s’était couché et le ciel était en train de s’assombrir, encore rayé de nuages rouges. Aucune lune ne s’était levée, si bien qu’il fallait s’attendre à une nuit très noire.

« Où dormons-nous ? demandai-je.

— Veux-tu rejoindre ton groupe ?

— Je préférerais dormir dans tes bras, si c’est possible. »

Après avoir parlé, je me souvins que c’était la première proposition de Bernard. Il acquiesça naturellement.

En bas, les satyres et les nymphes s’étaient séparés, sans trop s’éloigner. On nous laissait ensemble, Bernard et moi, parce qu’il était le seul satyre qui avait vécu dans mon pays. Nous nous mîmes en marche pour trouver un endroit où dormir, sous un arbre. Je lui pris la main comme si nous avions été des amoureux, et il ne la refusera pas. Mais quel couple nous formions ! Nous étions nus et sales, de la terre et de petits débris de végétaux collant à nos peaux, surtout à la mienne puisqu’elle était enduite d’une substance gluante. Ma chevelure était un long fouillis de mèches qui semblaient impossible à démêler, mais peut-être que mes futurs bains m’aideraient.

Bernard trouva un nid convenable et nous nous y allongeâmes comme nous étions. Je n’avais pas de brossage de dents ni rien de ce genre à faire. Nous étions enveloppés par un air toujours chaud et humide, presque autant qu’avant le coucher du soleil. Je me lovai contre mon compagnon et nous discutâmes de nos mondes respectifs, pas très longtemps car les ténèbres s’installèrent et que le sommeil m’emporta.

Au-dessus, des étoiles s’étaient faiblement allumées. Je ne pus voir si les constellations étaient les mêmes que depuis la Terre.

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