Désirs de nymphes – 9

Quand je me réveillai, il faisait jour et des rayons de soleil me tombaient sur le visage. Le voile de nuages de la veille étant parti, le ciel était d’un azur éblouissant, plus pur et plus profond que celui de ma planète. Je compris rapidement que quand il faisait aussi beau, il valait mieux rester dans la forêt ou dans l’eau. Bernard dormait pourtant toujours, son pénis dressé presque jusqu’à son nombril. Était-ce l’équivalent d’une érection matinale chez les hommes ? De toute façon, les satyres étaient presque tout le temps ainsi.

Une main féminine saisit cet objet pour le caresser.

« C’est comme ça qu’ils aiment être réveillés, me dit Hiordis. Parfois, tu peux obtenir une éjaculation avant qu’ils n’ouvrent l’œil. »

J’en avais fait l’expérience avec mon copain. Je n’avais pas le temps de la tenter maintenant, puisqu’il me fallait penser à mon retour. Et puis, si je restais au même endroit, je risquais d’attraper un sérieux coup de soleil, puisque ma peau était encore très blanche.

Je me mis debout, secouai ma chevelure humide et pleine de saletés et répondis à ma compagne que je devais prendre la route du retour. Mes paroles tombèrent aussi dans les oreilles d’Aliwa, qui se tenait à quelques pas de nous et à laquelle j’avais fait promettre de me raccompagner.

Je devais prendre un petit-déjeuner, mais la perspective d’avaler un nouveau repas d’algues ou de tubercules ne me faisait pas particulièrement saliver. Avaler du sperme ? Oui, peut-être, mais même l’idée de nouvelles jouissances ne pouvait m’enlever la constatation que je n’étais pas de ce monde. Il me fallait achever ma métamorphose.

J’effectuai donc les préparatifs de mon départ. Ils consistèrent à me faire « honorer » une nouvelle fois par des satyres, donc à être couverte de semence.

« Je garderai un souvenir inoubliable de toi », dis-je à Bernard en m’essuyant la bouche avec le revers de la main.

Sa jouissance l’avait pleinement réveillé. La mienne m’avait notablement secouée, et je me sentais en pleine forme pour mon voyage.

« J’espère te revoir, répondit-il. C’était trop court. »

Je pris une expression attristée.

« Je ne peux vraiment rien te promettre, déclarai-je.

— Bien sûr que si ! Tu reviendras parce que tu es faite pour vivre ici, avec nous. Quand Judith t’a choisie, elle savait ce qu’elle faisait. »

Mais il y a des problèmes et il le sait.

« Je ferai ce que je peux », dis-je, ce qui ne m’engageait pas à grand-chose.

Je me détournai pour ne pas continuer à montrer ma tristesse, et c’est ainsi que je pris congé de Bernard.

La gaieté de mes compagnes me remit très vite de bonne humeur, tant elle était contagieuse. Elles paraissaient oublier qu’elles devraient elles aussi me quitter, mais elles n’en laissaient rien paraître, et puis avant cela, nous avions une longue route à faire ensemble.

Nous prîmes à peu près le même chemin qu’à l’aller, en longeant la rivière qui nous avait conduites au bord du lac. Nous avançâmes à pied plutôt qu’en nageant, puisqu’il fallait en remonter le cours. Nager à contre-courant sur une telle distance, je n’en étais pas capable, et mes membres étaient courbaturés par les efforts que j’avais faits la veille. Par ailleurs, mes compagnes m’avaient promis que mon petit-déjeuner serait fait de baies qu’elles trouveraient sous les arbres, et elles s’en chargèrent. C’étaient de petits fruits qui ressemblaient à des myrtilles mais dont les couleurs et les goûts étaient assez variables. Je les appréciais mais il fallait en avaler une grande quantité pour se sentir repue. En fait, nous y passâmes presque toute la matinée, tout en progressant jusqu’au moment où les sous-bois commencèrent à s’éclaircir. Je dus me laver les mains dans la dernière mare que je trouvai.

Quand nous nous approchâmes de la porte, la gaieté des nymphes s’envola et leurs pas s’alourdirent. Il était à peu près midi, l’heure à laquelle j’étais arrivée dans leur monde, et la durée permise de séjour était passée.

Notre ascension vers le col se déroula lentement, sous un soleil accablant. À quelques pas de la porte, je me retournai et levai des yeux humides vers mes compagnes. Vingt-quatre heures seulement s’étaient écoulées, mais j’avais l’impression d’avoir passé toutes mes vacances dans cette forêt, tant chaque instant vécu avait été intense.

Hiordis me tomba dans les bras et nous nous étreignîmes avec ardeur.

« Reviens, me dit-elle.

— Tu me reverras. »

J’avais fait cette promesse parce que je n’avais pas la force de lui fendre le cœur. Et comme l’avait dit Bernard, il était impossible de savoir de quoi ma vie serait faite dans les prochaines années.

Il ne faut pas dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ».

J’étreignis toutes les autres nymphes, en commençant par Aliwa, puis avec la poitrine gonflée de soupirs, je repris mon ascension vers le col. J’eus envie de demander à mes compagnes de me suivre, en violant les interdictions, mais je m’en abstins.

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