Le château entre les arbres – 5

Au cours de la nuit, mon esprit retourna par moments sur les berges de la conscience. Chaque fois, la chambre était calme, faiblement éclairée par des rayons de lune que diffusaient les arbres de la cour. Tchoudya dormait du côté de la porte, allongée sur le lit, et sa respiration était régulière.

Une fois, je crus sentir une autre présence que celle de ma compagne et j’ouvris les yeux. Une silhouette se tenait debout près de mon lit. Je la vis se pencher sur Tchoudya, comme pour respirer son odeur. Sur sa tête, deux points verts pas plus grands que des pupilles humaines s’allumèrent. Mais quand je commençai à bouger, l’intrus se sauva comme un chat effarouché, en faisant toutefois craquer le plancher.

Je fus alors entièrement réveillé, et les paroles de Louriana me revinrent en mémoire. S’agissait-il de l’un des fêtards éméchés dont elle avait parlé ? Je ne m’interrogeai pas sur les lueurs que j’avais vues, ou seulement cru voir.

M’apercevant que la porte était restée ouverte, je me levai afin de la refermer, mais je pensai aux chambres réparties tout autour de la mienne. Il y en avait à peu près autant que d’invités. Je compris donc qu’elles avaient été aménagées spécialement pour les accueillir, et l’envie me vint de leur jeter de très indiscrets coups d’œil. J’observai d’abord le couloir pour vérifier qu’il était vide. Des pas de loup me portèrent en son milieu. Certaines portes étaient fermées. D’autres laissaient filtrer des lueurs spectrales qui écartaient faiblement les ténèbres.

Je franchis le seuil de l’une d’elles et distinguai une forme allongée sur le lit. C’était une femme, évidemment l’une des jeunes filles qui avaient participé à l’orgie. Elle était arrivée nue dans cette chambre et s’était allongée ainsi sur le lit, sans rien d’autre pour couvrir son corps que l’air encore chaud de la nuit. Elle dormait sur le dos, la tête posée sur une longue chevelure chiffonnée, une main sur un sein. Ses jambes étaient écartées d’une manière totalement indécente, ses pieds sur les rebords du lit, si bien que malgré l’obscurité, je parvenais à voir le minuscule vallon de son entrecuisse.

Elle m’offrait un spectacle d’autant plus excitant que je savais pourquoi elle était venue : pour jouir sans retenue. Je la regardai un moment en caressant mon sexe dilaté à l’extrême, puis je me penchai sur elle, désireux de lui caresser la peau mais ayant peur de la réveiller. Soudainement, je m’aperçus que je me comportais comme l’ombre que j’avais aperçue. Je fus dès lors convaincu que c’était l’un des jeunes hommes, qui avait voulu profiter de Tchoudya, retirée trop tôt de l’orgie.

Croyant entendre un bruit, je me précipitai aussitôt dehors, mais le couloir était toujours désert. Les vieux planchers émettaient sans doute de tels craquements tout au long du jour et de la nuit. Seul le silence de la voûte étoilée les rendait audibles.

Je me dirigeai vers d’autres chambres et découvris le même spectacle. Sept jeunes filles gisaient nues sur leurs lits, la plupart sur le dos, certaines sur le côté, abandonnant leurs corps à mes regards lubriques et à mes envies de viols. La lumière complice de la lune me révélait leurs contours, un bras, un ventre, un sein, une jambe ou une fesse, en laissant dans le noir des raies et des orifices que je convoitais douloureusement. Comme j’étais seul à rôder, elles étaient toutes à moi. Les portes des hommes étaient fermées.

Je jugeai étrange de les voir toutes endormies, leurs poitrines se soulevant à un rythme régulier. Pourquoi aucune n’était-elle victime d’insomnie ? Leurs agapes les avaient-elles toutes épuisées ? Ou était-ce l’effet de l’alcool ? Je m’approchai d’elles de plus en plus près, je humai le parfum de leurs peaux et je finis par les caresser, sans provoquer une seule réaction. Avec beaucoup de délicatesse d’abord, mes doigts passèrent sur une joue, une épaule, ou s’aventurèrent sur le doux renflement de leurs seins. Un mamelon ploya sous mon index. Des chevelures s’écoulèrent sur ma paume.

Mes vagabondages me firent revenir à mon point de départ, devant la jeune fille aux jambes écartées. Je me masturbai, agenouillé entre ses cuisses, puis mes mains posées de part et d’autre de ses épaules, je me penchai vers son visage et déposai un baiser sur ses lèvres. Elles restèrent inertes. Je sentais pourtant le souffle s’exhaler de ses narines.

J’eus l’impression qu’elle s’était allongée sur ce lit pour s’offrir aux visiteurs nocturnes, comme une fleur attendant son pollinisateur. Je mis un doigt sur sa vulve ; sa chair s’écarta pour l’accueillir. Elle me sembla légèrement moite, suffisamment pour accueillir un phallus. Je trouvai bien sûr intriguant cette humidité, de même que le sommeil qui enchaînait ces jeunes filles à leurs couches, et j’en vins à me demander si elles n’avaient pas été droguées. J’avais moi-même avalé un produit dont j’ignorais la composition.

Je ne puis quitter cette chambre sans aller jusqu’au bout : insérer mon sexe dans cette petite cavité chaude. Je le fis très lentement, attendant de mon amante anonyme une réaction qui ne venait toujours pas. Mon sexe ressortit jusqu’au gland puis revint s’enfoncer dans son ventre, encore et encore, de plus en plus vite. J’avais longuement fait l’amour à Tchoudya, jusqu’à en être rassasié, mais là, j’étais en train d’explorer un nouveau territoire. La jouissance se renouvelait en moi comme une aurore. Et enfin, le corps de la jeune fille frémit. Un gémissement sortit de ses lèvres et sa tête remua. Pourtant, elle ne se réveilla pas.

Je poussai mon plaisir à son paroxysme, et même après sa décrue, je donnai encore quelques coups de reins. Quand je me retirai, le sommeil tenait toujours la jeune inconnue.

Je me penchai sur elle pour observer de nouveau son visage, mais alors, une sensation irrationnelle d’être moi-même épié m’assaillit. Je sautai du lit, traversai le couloir et m’engouffrai dans ma chambre en refermant la porte derrière moi. Je restai un moment debout, haletant, puis je repris ma place à côté de Tchoudya.

Il y eut de faibles bruits, mais je ne pouvais pas dire s’ils étaient causés par le passage d’un individu ou par le travail du bois. Je les écoutai d’abord avec attention, le cœur battant, puis le sommeil vint fermer mes yeux et mes oreilles.

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