Le château entre les arbres – 7

Quand je pris ma tasse de thé, mes doigts tremblaient, mais j’arrivai à la vider sans en renverser. Si Louriana était partie, la servante était toujours là, et mon état ne s’était pas amélioré. Je me sentais même sur le point d’éjaculer dans mon pantalon.

« Comment t’appelles-tu ? demandai-je.

— Kalita.

— Déshabille-toi. »

La servante dégrafa sa jupe sans se faire prier. Son regard était fixé depuis un bon moment sur mon bas-ventre. Visiblement, mon pénis émettait toujours cette odeur que mes narines ne percevaient pas mais à laquelle les femmes étaient si sensibles. Je n’avais même pas besoin de me déshabiller pour qu’elle la sentît.

Ma capacité de résistance aux substances aphrodisiaques était nulle. J’en étais esclave, mais étais-je pour autant à plaindre ? Le gouffre au fond duquel je glissais ne comportait que des plaisirs, et aucune de mes amantes présentes et futures ne s’en plaindraient. J’eus une sensation de vertige en pensant aux nombres de femmes que je pourrais m’offrir. Je me sentais capable de faire l’amour du matin au soir, puis toute la nuit.

Kalita s’approcha de moi après avoir retiré son corsage. Je posai les mains sur son corps nu, sur ses seins aux grosses aréoles foncées, sur ses hanches puis sur sa vulve. Une feuille de chair rose sortait de sa fente. Elle me parut humide, bien que Kalita fût loin de mouiller autant que Violla. Une incursion dans son vagin confirma cette impression.

« Allonge-toi sur la table », ordonnai-je.

Elle m’obéit en se plaçant sur le dos, les jambes repliées. Je me mis debout entre celles-ci. De mon pantalon baissé, sortit un membre aussi dur et gros que la veille, quand je l’avais montré à Tchoudya. Je l’enfonçai dans le sexe de Kalita et le limai avec lenteur, pour bien le voir entrer et ressortir de son étui de chair. C’était aussi une manière de retarder l’éjection de ma semence. J’avais presque de l’appréhension en pensant à la fulgurance de l’orgasme vers lequel je m’acheminais, une explosion à la limite du supportable.

Mais elle vint et j’eus l’impression qu’elle ravagea tout mon entrecuisse, jusqu’à l’anus. Je suis incapable de dire si je poussai un cri, tant ma conscience en fut disloquée.

Je restai un moment entre les jambes de Kalita, sans chercher à savoir si elle avait ressenti une quelconque jouissance, puis je me retirai, remontai mon pantalon et m’en allai. Mon amante resta sur la table, à côté des reliefs de mon petit déjeuner.

Je revins tout droit dans ma chambre et je m’assis sur mon lit, la tête entre les mains, réfléchissant à la métamorphose que j’étais en train de subir. Entre mes cuisses, reposait une bête pour le moment silencieuse mais qui était déjà prête à se réveiller. Je le sentais.

Une silhouette apparut dans l’embrasure de ma porte. C’était Violla, en jupe courte.

« Pourquoi vous habillez-vous comme ça ? fis-je. Nous allons sortir.

— Je sais. Pour aller dehors, c’est la tenue que nous préférons, Louriana et moi. »

Violla s’approcha de moi tandis que j’admirais son incomparable paire de jambes.

« Avez-vous passé une bonne nuit ? questionna-t-elle.

— Excellente. Je ne dirais pas que j’ai fait l’amour jusqu’à n’en plus pouvoir, parce que je suis toujours aussi alerte. C’est incroyable.

— Avez-vous pris votre potion, ce matin ?

— Ma potion ? Ah ! »

Violla se dirigea vers la salle de bains et en revint avec un verre de cette même substance verdâtre. Elle se pencha sur moi pour me le tendre fort obligeamment.

Je le pris, bien que j’eusse un peu l’impression d’être un malade soigné par une infirmière.

« Est-il vraiment impossible de savoir de quoi est fait cette potion ? demandai-je.

— Pourquoi vous posez-vous tant de questions ?

— Parce que tout scientifique a le devoir de se poser des questions. C’est la première chose que vous devez apprendre.

— Je la retiendrai.

— On appelle cela la curiosité, et contrairement à ce que disent certains, ce n’est pas un défaut. »

Violla s’assit à côté de moi. Elle étendit ses jambes devant elle et les frotta l’une contre l’autre, en me regardant d’une manière éminemment suggestive. Elle attisa ma flamme sans la transformer en un brasier.

« Rien ne vous oblige à aller jusqu’au bout, dit-elle. Vous pouvez simplement me caresser. »

Je grommelai quelque chose et portai mon verre à la bouche, comme pour tenter d’oublier la présence de Violla. Ce fut ainsi que j’avalai sa mixture pour la deuxième fois.

« Bon…, fis-je regardant le fond du verre. J’ai observé l’effet de ce produit au bout de quelques heures. Je vais maintenant voir ce qui se passe si l’on en prend plusieurs jours de suite.

— C’est de la curiosité ?

— Exactement ! J’espère que cela ne va pas se faire à mes risques et périls.

— Mais non ! Est-ce que vous vous sentez mal ?

— Non. »

Je demandai un instant plus tard :

« À votre avis, je pourrai éjaculer combien de fois par jour ?

— Je ne sais pas… Cela dépend de vous… Naturellement, après avoir éjaculé, il faut un certain temps pour avoir un nouveau rapport sexuel. Je sais que vous venez d’ensemencer une servante, alors je ne veux pas vous brusquer.

— Vous faites bien. »

Violla se leva, le verre à la main, pour disparaître une seconde fois dans la salle de bains. Sans surprise, elle en revint avec le pot d’onguent.

Je lui donnai cette fois un regard pénétrant.

« Vous savez, vous ne vous comportez pas du tout comme une fille de quinze ans, déclarai-je.

— Vous croyez ? fit-elle en rougissant.

— Oui.

— J’ai conscience d’être précoce. »

Je pris le pot. Elle resta debout devant moi, attendant sans doute d’exécuter la même opération que la veille. J’avais beaucoup apprécié de me faire oindre le sexe par une aussi belle paire de mains. Pourtant, je restai immobile.

« J’ai même l’impression que vos parents sont inexistants et que c’est vous qui commandez, observai-je. Aujourd’hui, je ne les ai pas encore vus.

— Ils logent dans l’aile sud. Si vous voulez les saluer, je vous conduis à eux.

— Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Ils vous laissent libres de faire tout ce que vous voulez ?

— Oui. »

Louriana m’avait parlé d’une tradition familiale, mais cette explication ne me satisfaisait plus. Comme ma perplexité pointait de manière trop manifeste sur mon visage, Violla dut me répondre :

« Il y a des choses à savoir à notre sujet, mais nous ne pouvons pas le dire ici.

— Qu’est-ce qui vous en empêche ?

— Nous vous montrerons cela lors de notre sortie. Allons à la rivière Syevlatch.

— Qu’est-ce que je suis censé y trouver ?

— Votre réponse. »

Je posai le pot à côté de moi, sur le lit. Face à mon attitude récalcitrante, Violla fit appel à sa spécialité : elle se pencha sur moi, de manière à m’offrir brièvement une vue de ses seins à travers l’échancrure de son corsage, puis ses mains posées sur mes épaules, elle approcha sa bouche de la mienne. Je ne pus lui refuser ce baiser, qui se fit d’abord sur le bout des lèvres et devint de plus en plus profond. Sa langue pointue quitta ensuite ma bouche pour glisser sur ma joue gauche, qu’elle humecta de salive. J’eus l’impression d’être léchée par une chienne, mais c’était sur les cuisses d’une femme que les paumes de mes mains s’étaient posées. Elles commençaient à remonter sous la jupe de Violla.

« Vous voilà prêt », dit-elle en mettant subitement fin à ses agaceries.

Elle écarta mes genoux et s’accroupit entre eux, pour déboutonner ma braguette. Elle en sortit un phallus qui avait gagné une taille respectable, sans atteindre les records passés. Immédiatement, elle y appliqua l’onguent.

« Que penseriez-vous d’être toute la journée en érection ? demanda-t-elle en frottant mon gland.

— Ce serait un peu gênant.

— Mais si vous étiez entouré de femmes pour vous admirer ?

— Alors peut-être que cela me plairait… Mais on ne peut pas s’adonner au sexe à longueur de journée.

— Si, c’est possible. C’est justement l’expérience que vous êtes en train de vivre.

— Je commence à croire que vous ne m’avez pas fait venir ici pour vous instruire en sciences.

— Détrompez-vous. Vos connaissances m’intéressent. »

Pendant qu’elle prononçait ces mots, Louriana apparut au seuil de ma porte, vêtue comme sa sœur.

« Je confirme ce qu’a dit Violla, dit-elle. Je me suis préparée pour notre première sortie et je vous attends.

— J’ai proposé à monsieur Sotchak de voir la rivière Syevlatch », déclara sa sœur.

Elle se releva en faisant un signe à son aînée, puis les deux jeunes filles allèrent ensemble dans la salle de bains, en refermant la porte.

Je rangeai mon sexe, en espérant qu’il arriverait à rétrécir. Ce n’était pas certain. Apparemment, je bandais autant que Violla mouillait, et nous subissions tous les deux les inconvénients de notre perpétuelle excitation. Mais j’avais la possibilité de mettre fin à cette expérience. Si ma charmante hôtesse tenait à me faire prendre ces substances, c’était bien sûr parce que leurs effets s’estompaient au bout d’un ou deux jours.

Les deux sœurs discutaient sûrement des révélations qu’elles allaient me faire. Je les laissai seules pour enfiler mes bottes. Mon regard se posa sur les étagères où mes livres avaient été disposés. Ils étaient comme des souvenirs de ma vie passée, des bouées auxquelles je pouvais me raccrocher pour ne pas sombrer dans le déchaînement des sens.

Debout au milieu de ma chambre, je fermai les yeux et pris une profonde inspiration.

« Il faut continuer, me dis-je. Je ne sais pas ce que je vais apprendre, mais ce sera sûrement sensationnel. Déjà, l’existence d’aphrodisiaques aussi efficaces devrait stupéfier les pharmacologues. Je dois en rapporter à Peresk pour les faire analyser. »

Louriana et Violla sortirent de la salle de bains.

« Avez-vous une montre ? » demanda la première.

J’en cherchai une sans demander à quoi elle allait servir. C’était une montre de gousset que je remontai avant de la mettre dans mon pantalon.

« Si vous craignez la pluie, équipez-vous, poursuivit Louriana. Le beau temps de ce matin ne durera peut-être pas.

— J’ai déjà voyagé sous la pluie. Je pense pouvoir rester comme cela.

— De toute façon, s’il y a une grosse averse, nous pouvons nous réfugier dans n’importe quelle maison. Tout le monde nous connaît. »

Nous quittâmes ma chambre pour nous diriger vers le hall d’entrée. En chemin, nous croisâmes Kalita, qui avait revêtu un costume plus conforme à son état de servante. Le regard empli d’espoir qu’elle me donna me fit comprendre que notre rencontre ne devait rien au hasard, mais nous n’échangeâmes aucune parole, sans doute parce qu’elle était intimidée par Louriana et Violla.

Dehors, je trouvai le vieux garde à son poste. J’avais appris qu’il s’appelait Youri. Il était en train de bailler à s’en décrocher la mâchoire sur son banc, mais il se leva promptement à notre arrivée. Il salua ses deux maîtresses avant de m’adresser la parole :

« Votre première nuit au château vous a-t-elle plu, monsieur ?

— Oui, fis-je en réprimant mon sourire. J’ai pu goûter aux très charmantes coutumes du comte et de ses filles.

— Vous voulez parler de leur sens de l’hospitalité ?

— C’est un peu cela… J’ai remarqué qu’il règne une ambiance très calme dans le château et même dans les environs. Il est surprenant que des jeunes femmes puissent marcher sans crainte dans cette tenue. »

Je désignai discrètement les jambes nues de Louriana et de Violla. Elles avaient omis de mettre des chaussures.

« C’est que la paix règne dans le comté, expliqua Youri. On ne s’y adonne qu’à des activités pacifiques.

— Mis à part la chasse.

— On ne la pratique que pour se nourrir, et non pour le plaisir ou la gloire. Il n’y a pas, comme ailleurs, de chasseurs qui exposent leurs trophées sur les murs de leurs maisons.

— C’est heureux. Je respecte les animaux.

— Vous entendrez peut-être quelques coups de fusil. Je vous conseille donc de ne pas trop vous éloigner des chemins. Mes maîtresses sauront vous guider. »

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